De l’expérimentation à l’évaluation de l’action : le Réseau Cocagne et la FFBA travaillent aux conditions du changement d’échelle

Lauréat du Fonds pour le Développement de la Vie Associative (Etudes & Expérimentations nationales 2024), le Réseau Cocagne va mettre en place un plan de suivi du programme d'approvisonnement de l'aide alimentaire de façon a mieux en évaluer son impact dans tous ses effets utiles.

A la faveur du lancement du fonds « Mieux Manger pour Tous », le Réseau Cocagne s’est rapproché, à l’échelle nationale, de plusieurs structures de l’aide alimentaire (Croix Rouge, FFBA Restos du Cœur, Secours Populaire, UGESS), pour organiser et planifier leur approvisionnement en légumes bio locaux. De là est né le partenariat national entre le Réseau Cocagne et la FFBA pour expérimenter la création d’une filière bio solidaire pour approvisionner les antennes de BA avec des légumes bio produits par les Jardins de Cocagne.

De ce partenariat expérimental, le Réseau Cocagne souhaite en tirer des enseignements de façon à contribuer à l’évolution de l’aide alimentaire. Pour objectiver ces retours d’expérience, le Réseau Cocagne et la FFBA vont travailler sur trois axes :

1/ L’agencement des acteurs, point de départ pour construire une nouvelle filière

« Si on fait se rencontrer des acteurs ayant des approches très différentes, il en sortira forcément de nouvelles façon de penser le développement« . Pilier du développement économique local, ce réagencement entre acteurs nécessite du temps d’acculturation et la construction d’une organisation spécifique. L’expérimentation entre le Réseau Cocagne et la FFBA, qui a débuté fin de 2023, a vu son fonctionnement évolué au fil du temps. Au démarrage, la priorité était donné à l’interconnaissance sur les 11 régions participantes, au diagnostic des besoins et des contraintes de chacun et à l’articulation de l’approvisionnement avec un objectif de 200 tonnes livrées. La phase 2 sur 24-25 actuellement en cours a comme objectif un volume d’approvisionnement de 400 tonnes, uniquement issu des Jardins de Cocagne; avec une planification des cultures et une professionnalisation des flux logistiques. La phase 3 sur 25-26 se développera sur le même objectif de 400 tonnes, avec comme objectif de consolider l’existant et aller plus loin sur l’accompagnement des bénéficiaires (atelier cuisine, visite de ferme, dynamique de réappropriation de leur alimentation …) : les effets vertueux recherchés devront passer par une coopération entre acteurs, la seule logique distributive n’étant pas suffisante aux vues des ambitions visées.

2/ Une filière créatrice de richesses pour le territoire

Pourquoi déployer une telle filière ? Avant de chercher à évaluer le modèle économique de ces nouvelles filières bio solidaires, l’intervention de chercheurs économistes s’attellera à poser le cadre de l’évaluation. Quels sont les enjeux et intentions initiales ? Ces nouvelles coopérations ont elles fait émerger des dynamiques socio-économiques vertueuses sur les territoires ? Ont-elles eu des effets utiles non prévus ou liés à d’autres champs de la politique publique ? A l’image de l’expérimentation « Territoires à VivreS« , on peut supputer que la richesse créée sur le territoire sera révélée dans une vision systémique des impacts : emploi, cohésion sociale, dynamisme local… Pour sortir de politiques publiques cloisonnées qui ont montré leurs limites, il est essentiel de poser un cadre pertinent d’évaluation des retombées économiques et sociales de telles actions. C’est ce sur quoi le Réseau Cocagne et la FFBA entendent travailler ici.

3/ Et si le travail social s’appropriait les enjeux de la transition écologique ?

Le livre blanc du travail social du Haut Conseil pour le Travail Social (HCTS – 2023) appelle notamment à une « écologisation du travail social » qui prenne en compte les conditions de vie des personnes accompagnées au regard des impacts des pollutions et du dérèglement climatique. Ce rapport est un tournant, montrant qu’action sociale et transition écologique ne sont pas incompatibles. Au contraire, il est désormais démontré que les personnes en situation de précarité sont les plus impactées par les problématiques environnementales. L’alimentation en fait évidemment partie comme élément central de la qualité de vie avec ses effets associés (santé, aménagement du territoire,…). Le rapprochement entre travail social et transition écologique permet de renouveler les approches des associations environnementales vers plus d’inclusion et de participation des publics (tiers lieux alimentaires à dimension sociale, cuisines partagées, atelier transformation, marchés solidaires, visites de fermes, boutique itinérante, jardins partagés etc.). Il s’agit donc de savoir comment l’expérimentation génère une évolution du travail social, bénévole comme salarié, mais aussi de voir comment les « bénéficiaires » réalisent eux-mêmes un travail social au sein des dispositifs (en tant que producteur, transformateur, logisticien, mangeurs, jardiniers etc.).