Le Réseau Cocagne mobilisé sur les enjeux en zone rurale

Le monde rural en première ligne des inégalités

Depuis la crise sanitaire de 2020, on observe en France un renforcement majeur des inégalités sociales et économiques. Le nombre de personnes en situation de précarité a bondi (9 millions de français en situation de privation matérielle et sociale en 2022, chiffre INSEE, juillet 2023). Ce contexte est particulièrement vrai en milieu rural où les personnes en situation de précarité n’ont pas, ou difficilement, accès à des dispositifs d’aide auxquels elles pourraient prétendre.

Sur les 108 Jardins de Cocagne, près de la moitié (46) sont situés en zone rurale. Tous rencontrent des problématiques similaires : isolement des personnes, renforcé parfois par des contraintes de mobilités, éloignement des services publics, invisibilisation des personnes en situation de précarité… Plus surprenant, les campagnes, pourtant nourricières, ne sont pas épargnées par la précarité alimentaire. Raréfaction des commerces, coûts logistiques plus importants…

Ainsi, comme le souligne Claire Delfosse : « en milieu rural, l’alimentation interroge les modes d’habiter, ainsi que les activités économiques et le lien social ». Les petits commerces restants (boulangeries, cafés…), parfois ponctuels (marchés…) ou itinérants jouent un rôle social clé au-delà de leur offre.

Sollicité par ses adhérents, le Réseau Cocagne a animé en 2023 un Groupe de Travail “Ruralités”.  Car la lutte contre la pauvreté, incluant la précarité alimentaire, ne concerne pas que les quartiers populaires, urbains ou péri-urbains.

Des projets d’accessibilité alimentaire mobilisant le travail de salariés en insertion

Le Réseau Cocagne a diffusé en janvier 2024 à l’ensemble de ses adhérents un appel à manifestation de projets visant à favoriser l’accès à une alimentation de qualité pour les personnes en situation de précarité résidant en zone rurale. Objectif : redonner de la valeur aux territoires ruraux à travers une approche systémique (agriculture, santé, économie, environnement…) et multi – acteurs.

Avec le soutien de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et de la Fondation Carrefour mobilisées avec nous sur ces sujets, 10 expérimentations innovantes bénéficieront d’un accompagnement technique et financier pour être déployées dans les territoires ruraux les plus isolés.

Tiers-lieux itinérants, caisse de l’alimentation locale, animation de jardins solidaires pour les bénéficiaires de l’aide alimentaire, ateliers et évènements “hors les murs”… les projets soutenus témoignent de la grande diversité des actions engagées dans les territoires. Tous portent sur des dispositifs « d’aller vers » (mobilité inversée) qui vont à la rencontre des plus fragiles, en s’appuyant sur l’action des salariés en parcours d’insertion et en visant la mixité sociale et la convivialité.

Focus sur les 10 expérimentations soutenues par l’ANCT et la Fondation Carrefour

• La Ferme d’Uhaldia (Hasparren, 64) : Animation d’une surface d’autoproduction nourricière sur le Jardin mise à disposition des bénéficiaires de l’aide alimentaire et des salariés en parcours d’insertion. Les légumes produits approvisionneront les épiceries sociales et les associations d’aide alimentaire locales.

• Arozoaar (Le Thou, 17) : Mise en place d’un tiers-lieu alimentaire itinérant dans les communes prioritaires de la communauté de communes Aunis Sud en Charente Maritime : vente de légumes à des prix accessibles, animations « bien-vivre alimentaire », dispositifs d’autoproduction.

• Les Anges Gardins (Vieille Eglise, 62) : Déploiement de la Caisse de l’Alimentation Locale et de l’Engagement (la CALIEN) sur 15 communes rurales du territoire de la Communauté de Communes de la Région d’Audruicq.

• Les Râteleurs (Sainte Foy-la-Grande, 33) : Création d’un éco-pôle alimentaire en Pays Foyen intégrant des espaces de production maraîchère, des espaces de transformation des légumes, un groupement d’achat avec Vrac, une caisse locale de l’alimentation, l’animation d’un hub d’acteurs, un tiers-lieu à Sainte Foy la Grande.

• Jardin d’Avenir (Saint-Martin-en-Haut, 69) : Coordination et animation d’un collectif d’acteurs de l’aide alimentaire pour aller vers les personnes fragiles des villages non desservis de la Communauté de Communes des Monts du Lyonnais et la Communauté de Communes de Forez Est : livraison de denrées à prix accessibles, évènements autour de l’alimentation, création et gestion de jardins collectifs et vivriers.

• Les Jardins de la Voie Romaine (Beaune – la – Rolande, 45) : Projet ciblant les seniors (+ de 70 ans) dans le Nord-Loiret en situation de fragilité sociale : livraison à domicile de Paniers Solidaires (aller-vers) ; invitation à participer à des événements festifs sur un des 4 tiers-lieux du Jardin (amener-vers).

• Tero Loko (Notre-Dame-de-l’Osier, 38) : Création d’un tiers-lieu nourricier situé sur la commune rurale de Notre-Dame-de-l’Osier comprenant  une cuisine modulable et qui proposera un marché solidaire à triple tarification, des ateliers cuisine et cuisine de rue, des visites du Jardin, des ateliers pédagogiques…

• Optim’ism (Riantec, 56) : Déploiement du dispositif « Bocal & Brouette » sur un nouveau territoire : tiers-lieu itinérant sous la forme d’une caravane se déplaçant dans des zones rurales connaissant un fort taux de précarité alimentaire, proposant deux types d’ateliers : atelier de cuisine mobile, animation de jardins partagés.

• Le Jardin de Cocagne de Lozère (Palhers, 48) : Création d’un tiers-lieu alimentaire ouvert et accessible au plus grand nombre et dynamique d’essaimage au niveau régional de services  : magasins d’alimentation coopératifs, service itinérant en zone rurale, animations des centres de village. Animations d’ateliers cuisines nourricières et cuisine de rue dans les communes en partenariat avec la Croix-Rouge.

• Les Ateliers de la Bruyère (Saugues, 43) : Projet sur plusieurs volets : actions de sensibilisation et d’accompagnement à l’alimentation des personnes en précarité (ateliers cuisine, repas partagés, ateliers de production de légumes) ; ateliers « ramasse » destinées à l’aide alimentaire ; livraisons dans les zones blanches en lien avec les associations d’aide alimentaire.